Jusqu’à l’ère de l’électricité puis du téléphone, les cloches ont rythmé la vie des villageois, annonçant quotidiennement l’aube, midi et la tombée de la nuit avec l’angélus, les fêtes et les cérémonies, les catastrophes ou les deuils.

Dans les années 1950, une étude des cloches du département du Cantal, réalisée par Antoine Trin, a permis de localiser les plus anciennes du Veinazès : Prunet (1523), Teissières-les-Bouliès (1529), Vezels-Roussy (1558), Vieillevie (1582) ou Ladinhac (1597).

Le clocher de Labesserette abrite des cloches du 19e siècle. Pour en comprendre les raisons, il faut revenir à la période révolutionnaire.

En décembre 1789 les communes sont créées et administrées par un conseil municipal qui élit un maire pour deux ans. À Labesserette, c’est le citoyen Puech qui est désigné.

Un autre élu municipal, le « procureur de la commune » tient aussi une place importante car il est chargé d’assurer la police dans la commune. Cette responsabilité revient au dénommé Vaissières.

Au mois d’avril 1790, tous deux publient une ordonnance de police qui réglemente l’activité des « cabarets », soit les bistrots de l’époque. Ce texte fixe que le sonneur doit désormais avertir au son des cloches l’heure de fermeture des cabarets de Labesserette.

Dans le même temps, « ordonnons […] aux sonneurs de cloche de notre paroisse de se conformer à la taxe suivante pour raison des honneurs funèbres : En conséquence de ne point exiger au-delà de quinze sols toutes les fois qu’ils ne sonneront que deux cloches et de quatre livres toutes les fois qu’ils les sonneront toutes quatre.

Pour l’enterrement, dix sols ; dix sols pour les fêtes ; dix sols pour les bouts de l’an. » Géraud Emerial et Jean Gazals sont les sonneurs de cloches de Labesserette.

Le métal rentrant dans la fabrication des cloches est un alliage de cuivre et d’étain formant le bronze. Durant toutes les périodes troubles de notre histoire, les cloches des églises, des abbayes, des monastères ont été des prises de guerre de premier choix.

Dès 1791, un décret de la Convention nationale (équivalent de l’Assemblée nationale) prescrit la transformation des cloches en pièces de monnaie. Il semble que le département du Cantal ait été relativement préservé pour le faire appliquer.

En revanche, celui du 23 juillet 1793 est appliqué. Il « décrète qu’il ne sera laissé qu’une seule cloche dans chaque paroisse ; que toutes les autres seront mises à la disposition du Conseil exécutif, qui sera tenu de les faire parvenir aux fonderies les plus voisines dans le délai d’un mois, pour y être fondues en canons. ».

À Labesserette, trois des quatre cloches sont descendues du clocher le 6 novembre 1793. Le lendemain, la cloche située dans la chapelle du village de Chausy subit le même sort. Il faut attendre le 30 décembre 1793 pour qu’elles soient transportées à Aurillac par Antoine Trédoulat et Jean Mouminoux. Ces cloches vont fournir au total « douze-cent-soixante-dix-huit livres » de métal. Suivra la réquisition du battant des cloches, des ferrements et des cordes.

Au printemps 1794, les élus de Labesserette se réunissent encore à ce sujet pour décider de l’avenir de la dernière cloche. « Reconnaissant qu’il est d’une très grande utilité que l’horloge proposée soit construite, soit pour l’avantage des cultivateurs, soit pour celui de l’heure des séances, a arrêté que la ditte (sic) cloche restante serait convertie en horloge.»

La paix religieuse

Au cours de la période du Consulat (1799-1804), Napoléon Bonaparte rétablit une paix religieuse en signant avec le pape le Concordat du 15 juillet 1801. À partir de cette époque, les cloches reviennent progressivement dans les clochers.

À cette époque Labesserette utilise toujours une cloche. En atteste la décision de la paroisse qui, en 1805, décide de remplacer le sonneur de cloches (« campanier »). En effet, celui-ci est qualifié d’ivrogne et de fantasque car il sonne quand bon lui semble et se montre souvent de « mauvais poil ».

C’est en 1813, qu’une nouvelle cloche baptisée Marie-Antoinette est installée dans le clocher.

La cloche de 1839

En 1839, une cloche, plus grosse que celle de 1813, est commandée  par  le conseil de fabrique (équivalent du conseil paroissial  aujourd’hui) aux Pourcel, fondeurs   établis   à  Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). En  2020, elle  est  encore opérationnelle, sonnant toutes les heures du jour.

Elle est décorée par une frise avec des têtes d’angelots et de quatre ornements : le Christ en croix entouré de la Vierge et saint Jean ; d’une Vierge à l’enfant, de saint Pierre aux liens et d’un sceau semblant représenter la Vierge.

Son inscription est la suivante :

SIT NOMEN DOMINI

BENEDICTUM

SANCTA MARIA

ORA PRO NOBIS

Traduction :

béni soit le nom

C’est à la même époque que des travaux sont réalisés sur la cloche de 1813.

Versapuech  du  hameau  de Cazilhac vend un arbre, vraisemblablement pour maintenir la cloche pendant sa réfection. Malvezin fournit le bois pour réaliser le joug (ou mouton) qui est ensuite fabriqué par un nommé   Payssen.   Géraud  Devez, forgeron, réalise un nouveau battant et reprend le ferrement (ferrures qui permettent de fixer la cloche au joug de bois).  Aliès,  fondeur  de cloches à Aurillac est chargé d’en faire le contrôle et réalise deux grahoules en cuir.

De nos jours, cette cloche sonne les demi-heures grâce à un battant électrique extérieur.

Un montant de 500 francs est assuré en 1901 pour de nouvelles réparations.

Sur la cloche est inscrit :

NÉE EN 1813

JE M APPELLE

MARIE ANTOINETTE

J AI PERDU ET

RECOUVRÉ MA VOIX EN 1901

MON PARRAIN A ÉTÉ

MR J A VAISSIERE MAIRE

MA MARRAINE

MME VE C SERIEYS

J BSTE THERON CURE

FABRICIENS   P VERSAPUECH

F PUECH   P ROQUES

J GOUDERGUES   L MALVEZIN

DURAND CHAMBON

FONDEUR A MONTARGIS

Ce dernier, « établi à Montargis, avenue de la Gare, mais en réalité sur le territoire de la commune de Chalette (Loiret) s’était fait une spécialité du brasage des cloches fêlées. »

Cette cloche possède quatre frises et trois ornements : Christ en croix, l’archange Gabriel et une Vierge à l’enfant.

Ainsi, certains comme Arsène Vermenouze,   en  entendant  les cloches de Labesserette, pouvaient réciter :

« O rustiques clochers,

pauvres clochers branlants

Vous qui pour célébrer

le triomphe des crèches

Savez toujours donner

des voix jeunes et fraîches

Aux vieux bronzes fêlés

qui dorment dans vos flancs. »

 

Bernard Coste

www.pays-veinazes.com

Bibliographie:

Registre de la fabrique de Labesserette (années 1838-1841) – Archives diocésaines de Saint-Flour.

Edmond MONIER, Nos archives municipales, bulletin paroissial « Les Échos du Veinazès », 1923.

Abbé LAROUSSE, Monographie paroissiale de Labesserette, Archives diocésaines de Saint-Flour, 1912.

Antoine TRIN, Les cloches du Cantal – Archéologie – Histoire – Folklore, Éditions Gerbert, Aurillac, 1954.

 

Remerciements pour leur aide : Catherine Eugène, Marie-Thérèse Fabrègues, Pascale Moulier et Jean-Paul Bonhuil.